22 août 2021

Lire Tintin pour voyager en Arabie saoudite?

 Voyager, découvrir, partir, explorer...

Depuis quelques mois ces simples mots mais chargés de sens ont suscité des émotions, des envies, des frustrations... Parfois on a pu refaire des valises, prendre un avion ou définir un itinéraire en voiture, en train, passer une frontière, changer d'air (expression à double sens) et oui c'est vrai, reconnaissons-le çà fait du bien, on en avait besoin et quand on a la chance d'avoir pu partir et réaliser un rêve, il faut tout simplement réaliser qu'on a été privilégié et l'apprécier encore plus!

Quel rapport avec le titre? Prétendre qu'on peut voyager en lisant une BD?

Pourquoi pas? 

Bon j'avoue, vous ne découvrirez pas l'Arabie saoudite par les quelques vignettes ayant pour décor ce pays, tout simplement parce qu'à l'époque d'Hergé, c'était encore un pays inconnu, nourrissant des fantasmes. A l'époque d'Hergé, mais aussi à notre époque... En effet, je vous rappelle que les 1ers visas touristiques n'ont été délivrés qu'en septembre 2019 (nous avions obtenu les nôtres en mars 2020, mais ils n'ont bien sûr jamais servis...). Après une pause forcée (merci Mr COVID), le royaume a rouvert ses frontières aux touristes depuis le 1er août 2021!


Mais la lecture, même la BD, a le don de nourrir l'imaginaire et donc bien de nous faire quitter notre quotidien et de nous faire voyager. Bien sûr, vous voyagerez plus en lisant mon blog ;) ou d'autres sur le pays ou encore en venant le visiter. Mais surtout vous découvrirez de vos yeux jusqu'où votre imaginaire vous a emmené et si ce que vous imaginiez est réel ou fantasmé... Donc lisez, lisez, des romans, des fictions, des guides de voyage, des BD, des blogs Et voyagez, voyagez, voyagez, autant que vous le pouvez, en réel ou en virtuel Et dites-moi si vous avez des interrogations, des clichés sur cette destination, si je vous donne envie de venir ou pas. La bonne nouvelle c'est que toute la famille va bientôt être vaccinée (il ne manquait plus que mon suricate qui a eu sa 1ère dose de vaccin comme cadeau le jour de ses 12 ans), alors à nous Bahrein, Madain Saleh et Al Ula, les montagnes de l'Asir et Al Baha, la Jordanie...
Alors rendez-vous dans les prochains articles pour plus de découvertes sur l'Arabie saoudite.

15 août 2021

Personnages dans Tintin: fiction ou réalité?

 Imaginez en France les photos d'Emmanuel Macron et Jean Castex partout... Partout sur les panneaux publicitaires, sur les façades des magasins, dans les aéroports, dans les malls ...

C'est le cas ici, en Arabie saoudite.

Et certains de ces dirigeants ont inspiré Hergé pour ses personnages.

L'actuel roi est Salmane ben Abdelaziz al Saoud (à droite sur la photo); il a succédé à son demi-frère Abdallah ben Abdelaziz al Saoud, décédé le 23 janvier 2015. 

A l'aéroport de Dammam

Une galerie de photos des dirigeants dans un mall à Khobar

Des messages de condoléances avaient à l'époque été adressés à Tintin, faisant le lien avec le garnement, apparaissant dans "Tintin au pays de l'or noir" et "Coke en stock", le jeune Abdallah, fils de Mohammed ben Kalish Ezab, l'émir du Khemed. Cependant il n'en est rien. Hergé a juste emprunté le prénom de ce défunt roi: homme pacifiste, réputé intègre, il a notamment tenté de mettre un terme à la corruption engendrée par les contrats d'armement avec l'Occident, il s'est même attaqué dans le même mouvement aux excès de la police des moeurs, la redoutée Mutawwa. 

L'ancien roi d'Arabie saoudite / Abdallah


Par contre Hergé s'est bien inspiré d'un personnage réel pour cet enfant de 6 ans: le roi d'Irak, Fayçal II, photographié dans ses jeunes années.




Pour son père, l'émir du Khemed, le modèle serait le roi Abdelaziz ibn Séoud. Hergé emprunte au fondateur du royaume d'Arabie saoudite son costume, ses lunettes, son visage joufflu, sa moustache et sa barbe. Cependant, entre les 2 personnages, le caractère diffère: Hergé met en scène un émir balourd et indécis, alors que le roi Abdelaziz était élancé et charismatique.




Mohammed ben Kalish Ezab n'est pas le seul emprunt d'Hergé à la dynastie saoudienne: on reconnaît aussi l'un des fils de son modèle dans la version de 1971 de "Coke en stock", Saoud ben Abdelaziz (qui s'était rendu en visite officielle en France en 1935) sous les traits d'un lieutenant de sa police (vignette C2 page 16). Cette vignette montre qu'Hergé suivait l'actualité saoudienne à l'époque car elle semble copiée d'une célèbre photo du roi Saoud, 1er souverain de la dynastie des al Saoud à avoir introduit l'uniforme de type occidental dans l'armée saoudienne et qui l'avait revêtu devant l'objectif pour donner l'exemple.

Vous avez remarqué les "ben" ou "ibn" dans les noms? Cela signifie "fils de", ainsi on sait de quelle famille on vient. Je vous ferai bientôt un article sur la langue arabe.


8 août 2021

Coke en stock: les arabes débarquent à Moulinsart, encore des clichés?

 Tintin avait rencontré les arabes dans l'album "Au pays de l'or noir" et 6 ans plus tard, ce sont eux qui viennent à lui; ils s'installent même au château de Moulinsart, dans son salon avec tentes et ustensiles traditionnels: cliché? Pas tant que çà... 



En effet, quand on se promène dans les rues d'Arabie saoudite, la grande majorité des saoudiens portent la thawb (thobe) blanche ainsi que le foulard blanc et rouge a carreaux en guise de couvre chef (voir mon article du 25/04 https://3miettes2sables.blogspot.com/2021/04/sur les tenues ainsi que cet article que j'ai rédigé pour le site femmexpat : https://www.femmexpat.com/expatriation/shabiller-en-arabie-saoudite/) et bien sûr, même si les saoudiens habitent dans des maisons, souvent de très belles et très grandes maisons, ils passent souvent le week end dans le désert sous ces tentes dessinées par Hergé (vous trouverez des photos de ces mêmes tentes dans cet articles https://3miettes2sables.blogspot.com/2020/12/).

Allez feuilleter l'album et vous découvrirez aussi la 1ère fois que Hergé recopie, certes de façon maladroite, l'écriture arabe (vignette B3 page 15).

Tintin est-il donc bien allé une fois de plus en Arabie saoudite?

Tintin retrouve donc à Moulinsart Abdallah, le fils de l'émir Mohammed ben Kalish Ezah, et sa suite pour le mettre à l'abri des méfaits de Bal el Ehr qui veut renverser son père.

Il est question d'une compagnie d'aviation Arabair qui organise un traffic d'esclaves à la Mecque. L'émir a été renversé et s'est réfugié chez le cheikh des cigares du pharaon, Patrash Pacha, dans son repaire troglodyte qui n'est autre que la copie conforme du site jordanien de Petra.

Puis, Tintin part enquêter sur ce traffic à la Mecque (vignette A1 page 32). Encore une fois, Hergé compte envoyer un non musulman dans la ville sainte.

Après bien des péripéties, il se retrouve sur un cargo, la Ramona, qui transporte dans ses cales, des noirs en partance pour le pèlerinage de la Mecque. En fouillant le bateau, Tintin trouve un bout de papier sur lequel est inscrit un message mystérieux intimant l'ordre de livrer du coke à Djeddah, le port de la Mecque: l'action se situe bien en Arabie saoudite. Tintin sera même localisé "20 milles à l'ouest des îles Farasan", situées à l'extrême sud ouest de l'Arabie saoudite (vignette C3 page 51).

Le sujet de l'album, un traffic d'esclaves à la Mecque, s'inspire d'articles de Paris Match de 1955 et du Crapouillot sur la persistance de l'esclavage en Arabie saoudite, ainsi que du livre de Joseph Kessel "Marchés d'esclaves" (1933). Kessel avait traversé la mer rouge en 1930 sur un bateau transportant des esclaves qui, selon ses dires, devaient être vendus à la Mecque, en dépit de l'interdiction d'Ibn Séoud, dont l'application s'arrêtait aux portes de Djeddah. Ignorant ce détail, Hergé place justement dans cette ville le marché aux esclaves. C'est ce marché que décrit Georges de Caunes dans son article de Paris Match.

La négociation du traité franco-saoudien de 1931, fondateur des relations bilatérales, achoppa pendant des mois sur l'exigence d'abolition du commerce des esclaves, à laquelle les français finirent par renoncer. L'esclavage persista donc en Arabie saoudite, connaissant même un regain durant la seconde Guerre Mondiale, avant d'être aboli en 1962, soit 4 ans après la publication de Coke en stock.

L'Etat saoudien dédommagera chaque propriétaire à hauteur de 700 $ par esclave libéré, ce qui lui coûta au total 15 millions de riyals, une somme importante à l'époque, mais qui aura permis la libération de 10 000 des quelques 15 000 esclaves alors asservis.

L'Arabie de Coke en stock n'est plus la terre exotique des albums précédents mais un enjeu de pouvoir et de traffic. Le pittoresque y est peu présent. Tintin ne retournera plus dans aucun pays arabe. Pour clore la série d'articles sur Tintin et le monde arabe, le prochain post traitera des personnages arabes réels dont s'est inspiré Hergé. 

Et j'espère écrire bientôt sur les Iles Farasan, la Jordanie et autres lieux à découvrir dans la région, ce qui était prévu ces dernières semaines, mais qu'un petit intrus au nom bien connu maintenant, j'ai nommé COVID, nous a empêchés de visiter ... 

Mais la bonne nouvelle est que l'Arabie saoudite délivre à nouveau des visas touristiques après 19 mois de suspension liés à la pandémie mondiale: la porte vers des expériences et des paysages inédits est à nouveau ouverte, profitez-en! Vous doutez encore de l'intérêt de visiter ce pays?... Faites un petit tour sur le site de Blue Abaya, une expatriée finlandaise qui a épousé un saoudien...https://www.blueabaya.com/