8 août 2021

Coke en stock: les arabes débarquent à Moulinsart, encore des clichés?

 Tintin avait rencontré les arabes dans l'album "Au pays de l'or noir" et 6 ans plus tard, ce sont eux qui viennent à lui; ils s'installent même au château de Moulinsart, dans son salon avec tentes et ustensiles traditionnels: cliché? Pas tant que çà... 



En effet, quand on se promène dans les rues d'Arabie saoudite, la grande majorité des saoudiens portent la thawb (thobe) blanche ainsi que le foulard blanc et rouge a carreaux en guise de couvre chef (voir mon article du 25/04 https://3miettes2sables.blogspot.com/2021/04/sur les tenues ainsi que cet article que j'ai rédigé pour le site femmexpat : https://www.femmexpat.com/expatriation/shabiller-en-arabie-saoudite/) et bien sûr, même si les saoudiens habitent dans des maisons, souvent de très belles et très grandes maisons, ils passent souvent le week end dans le désert sous ces tentes dessinées par Hergé (vous trouverez des photos de ces mêmes tentes dans cet articles https://3miettes2sables.blogspot.com/2020/12/).

Allez feuilleter l'album et vous découvrirez aussi la 1ère fois que Hergé recopie, certes de façon maladroite, l'écriture arabe (vignette B3 page 15).

Tintin est-il donc bien allé une fois de plus en Arabie saoudite?

Tintin retrouve donc à Moulinsart Abdallah, le fils de l'émir Mohammed ben Kalish Ezah, et sa suite pour le mettre à l'abri des méfaits de Bal el Ehr qui veut renverser son père.

Il est question d'une compagnie d'aviation Arabair qui organise un traffic d'esclaves à la Mecque. L'émir a été renversé et s'est réfugié chez le cheikh des cigares du pharaon, Patrash Pacha, dans son repaire troglodyte qui n'est autre que la copie conforme du site jordanien de Petra.

Puis, Tintin part enquêter sur ce traffic à la Mecque (vignette A1 page 32). Encore une fois, Hergé compte envoyer un non musulman dans la ville sainte.

Après bien des péripéties, il se retrouve sur un cargo, la Ramona, qui transporte dans ses cales, des noirs en partance pour le pèlerinage de la Mecque. En fouillant le bateau, Tintin trouve un bout de papier sur lequel est inscrit un message mystérieux intimant l'ordre de livrer du coke à Djeddah, le port de la Mecque: l'action se situe bien en Arabie saoudite. Tintin sera même localisé "20 milles à l'ouest des îles Farasan", situées à l'extrême sud ouest de l'Arabie saoudite (vignette C3 page 51).

Le sujet de l'album, un traffic d'esclaves à la Mecque, s'inspire d'articles de Paris Match de 1955 et du Crapouillot sur la persistance de l'esclavage en Arabie saoudite, ainsi que du livre de Joseph Kessel "Marchés d'esclaves" (1933). Kessel avait traversé la mer rouge en 1930 sur un bateau transportant des esclaves qui, selon ses dires, devaient être vendus à la Mecque, en dépit de l'interdiction d'Ibn Séoud, dont l'application s'arrêtait aux portes de Djeddah. Ignorant ce détail, Hergé place justement dans cette ville le marché aux esclaves. C'est ce marché que décrit Georges de Caunes dans son article de Paris Match.

La négociation du traité franco-saoudien de 1931, fondateur des relations bilatérales, achoppa pendant des mois sur l'exigence d'abolition du commerce des esclaves, à laquelle les français finirent par renoncer. L'esclavage persista donc en Arabie saoudite, connaissant même un regain durant la seconde Guerre Mondiale, avant d'être aboli en 1962, soit 4 ans après la publication de Coke en stock.

L'Etat saoudien dédommagera chaque propriétaire à hauteur de 700 $ par esclave libéré, ce qui lui coûta au total 15 millions de riyals, une somme importante à l'époque, mais qui aura permis la libération de 10 000 des quelques 15 000 esclaves alors asservis.

L'Arabie de Coke en stock n'est plus la terre exotique des albums précédents mais un enjeu de pouvoir et de traffic. Le pittoresque y est peu présent. Tintin ne retournera plus dans aucun pays arabe. Pour clore la série d'articles sur Tintin et le monde arabe, le prochain post traitera des personnages arabes réels dont s'est inspiré Hergé. 

Et j'espère écrire bientôt sur les Iles Farasan, la Jordanie et autres lieux à découvrir dans la région, ce qui était prévu ces dernières semaines, mais qu'un petit intrus au nom bien connu maintenant, j'ai nommé COVID, nous a empêchés de visiter ... 

Mais la bonne nouvelle est que l'Arabie saoudite délivre à nouveau des visas touristiques après 19 mois de suspension liés à la pandémie mondiale: la porte vers des expériences et des paysages inédits est à nouveau ouverte, profitez-en! Vous doutez encore de l'intérêt de visiter ce pays?... Faites un petit tour sur le site de Blue Abaya, une expatriée finlandaise qui a épousé un saoudien...https://www.blueabaya.com/


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